si moh ou mhend
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si moh ou mhend
Biographie
Si Mohand Ou M'Hand Ath Hammadouche est né vers 1845 et est mort en 1906 (d'après Boulifa).
Si
la date de sa mort semble établie, celle de sa naissance est
approximative. En effet, l'Etat Civil en Kabylie n'a pas eu d'existence
officielle avant 1891. Elle n’a été rendue possible, et
approximativement, que parce que beaucoup de témoignages et de dires
confondaient la durée de sa vie avec celle du Prophète (Qsssl). Soit
dit 63 ans.
Il naquit donc dans l'ancien village de Chéraïouia
où son père Mehand Améziane Ou Hammadouche, originaire de Aguemoun,
s'était réfugié pour échapper à une vendetta.
Après 1857, le
village de Chéraïouia fut rasé et à son emplacement fut édifiée la
citadelle de Fort-National (Larbaâ Nath Irathen). L'autorité militaire
attribua aux habitants un terrain à 10Km au nord, près de Tizi-Rached,
qui appartenait à une zaouïa.
En fait, la population s'est répartie, pour une faible part sur ce terrain où naquit la nouvelleChéraïouia, mais pour la plupart aux alentours de Fort-National.
Les
parents de Si Mohand s'installèrent à Akbou, au lieu-dit Sidi-Khelifa.
Son oncle paternel, Cheikh Arezki Ou Hammadouche, maître en droit
musulman y avait ouvert une zaouïa où un Taleb enseignait le
Coran, non seulement aux enfants de la famille mais aussi à tous ceux
du village. C'est là que Si Mohand commença ses études avant de
rejoindre l'importante zaouïa de Sidi Abderrahmane Illoulen
(Michelet). Son père était usurier, c’était la noblesse de l’époque, La
famille était aisée et l'enfance de Si Mohand heureuse.
En
1871, lors de l'insurrection, la famille s'est engagée aux côtés de
Cheikh El Mokrani contre la colonisation de la Kabylie. Le père, Mohand
Améziane fut exécuté à Fort-National, l'oncle Arezki déporté en
Nouvelle-Calédonie et leurs biens confisqués au profit de l'Etat.
La
famille ruinée et anéantie se dispersa, la mère se retira dans la
nouvelle Chéraïouia avec son jeune fils Méziane et là commença la vie
de vagabond de Si Mohand, errant de ville en ville. Son frère aîné Akli
s'enfuit à Tunis avec l'essentiel des ressources de la famille. Cet
épisode a été vécu comme un drame, un choc à ne plus s’en remettre.
En
refusant la fonction d'écrivain attaché à l'administration coloniale
que cette dernière lui proposait, Si Mohand Ou M'hand, qui jouit d'une
place sacrée dans la mémoire collective kabyle, exprimait sa résistance
vis-à-vis de toute l'institution coloniale au même titre que son refus
de porter une carte d'identité, imposée par cette administration durant
toute sa vie, était perçu comme la non-reconnaissance par lui de
l'ordre colonial établi.
Les portes de l’errance s’ouvrent donc grandement devant les yeux du poète, telles celles de l’enfer.
Mon cœur tout troublé
Par le kif et l’alcool
N’a suivi que ses penchants
Accueillez le vagabond
O gens sensés et nobles
Etranger dans son pays
Dans l’exil et dans l’oubli
J’ai ignoré mes devoirs
C’est maintenant que mon cœur saigne.
A
quelques exceptions près - la langue et la situation géographique
seulement les séparaient -Si Mohand ressemblait de beaucoup à son égal
français Arthur Rimbaud, l’autre amoureux des sentiers, des chemins
inconnus et des contrées lointaines qui aimait d’ailleurs à répéter:
«Je suis un piéton rien de plus.»
«De l’Alma à Ménerville
L’ennui me prit
A la côte des djellabas
Je suis parti tôt le matin
J’ai marché sans relâche!
Le soleil est descendu sur les crêtes
Sans honte je m’affale dans un café
Mourant de fatigue
Et demandant pardon aux saints. »
A ce sujet, Mouloud Feraoun, qui avait mené une grande recherche sur sa poésie et sa vie, écrira: «Il
était pareil à une feuille que le vent emporte et qui ne pourrait se
fixer nulle part ailleurs que sur la branche d’où elle a été détachée.» Comme pour dire que le poète ne pouvait s’enraciner que dans sa Kabylie, plus précisément au sein de son village natal.
Et comme il a tout perdu (déraciné de sa terre natale), il se livre alors à l’errance et, de surcroît, au gré des vents.
Plus
qu’un choix, une raison de vivre, l’errance avait un ascendant terrible
sur lui puisque le poète a toujours refusé, selon des témoins de son
époque, de monter dans un train ou une diligence (qui est un moyen de
transport de l’époque par excellence), non pas par crainte mais par
esprit d’indépendance.
La
décadence de sa famille après la défaite (c’était un retournement de
position radical) et son mariage qui fut un échec -sa femme l’avait
quitté pour sa paresse- ont eu raison de sa ténacité et de sa croyance
en des jours meilleurs, et le voilà qui aborde en sanglots mais avec
résignation:
«Vois mon cœur oppressé!
En lui-même il éclate
Chaque fois que je pense à elle
O suprême créateur
Nous implorons ta justice
Sois un soutien pour nous
Délivre-nous des tourments. »
«J’avais un jardin incomparable aux pousses drues et vigoureuses
Que Dieu protège ses richesses
Un mur le fermait et l’abritait...
Maintenant qu’un torrent y fut dirigé
l’éboulement a tout emporté
Il n’en reste aucune trace.»
Si
Mohand avait émis le souhait d’être enterré à Askif N’Temana, une
localité de la Haute Kabylie, ce qui a été réalisé grâce à son ami le
poète Si Youcef, qui s’était chargé des funérailles.
Mais le
souhait le plus cher au poète qui a été formulé en vers et en toute
inconscience s’est révélé plus tard une vérité absolue. En voici son
vœu:
«Ceci est mon poème
Plaise à Dieu qu’il soit beau
Et se répand partout
Qui l’entendra l’écrira
Ne le lâchera plus
Et le sage m’approuvera.»
Si
Mohand passa quelque 30 ans d'errance entre la Kabylie et la région de
Bône (Annaba) où de nombreux Kabyles travaillaient comme ouvriers
agricoles ou comme mineurs. Un autre de ses oncles, Hend N'Aït Saïd,
était d'ailleurs installé dans les faubourgs de Bône.
«C’est dans son errance qu’il forgea sa poésie», a expliqué Younes Adli, précisant que «le poète composait un poème dès qu’il assistait à un événement fort et marquant».
Cela
revient à dire que la poésie de Si Mohand Ou M’hand est ancrée dans un
contexte social et historique, que le poète a vécu l’Histoire et, à
travers sa poésie, est racontée l’histoire de sa société.
Chaque poème raconte donc une histoire, car «pour
Si Mohand Ou M’hand il est nécessaire, dès qu’il y a un chamboulement
dans l’Histoire, de consigner les changements survenus dans son temps».
De ses trente-cinq années d’errance, «on
n’a pu recenser que 360 poèmes, ce qui est très peu, voire faible. On
n’a pas encore récolté l’essentiel de sa production poétique, sachant
qu’une grande partie demeure dans les mémoires. Toutefois, la mémoire
ne peut résister au temps, à l’oubli», a souligné Younes Adli.
N’écrivant
pas ses œuvres et ne les répétant pas, Mohand Ou M’hand, qui avait
réussi à faire sortir la poésie kabyle de ses montagnes pour la
propager, çà et là, à travers toute l’Algérie et même au-delà des
frontières (Tunisie), avait une technique spécifique : le neuvain (9
vers), à travers lequel il véhiculait un message.
Si Mohand mourut en 1906 à l'hôpital des Sœurs Blanches de Michelet et fut enterré au sanctuaire de Sidi Saïd Ou Taleb.
Le
destin de Si Mohand Ou M’hand est scellé dans l’exil et l’errance au
lendemain de sa rencontre tant attendue avec cheikh Mohand Oulhocine.
De leur vécu, les deux hommes se vouaient mutuellement une déférence irréprochable à distance.
Le poète décida un jour d’aller rendre visite au cheikh. Un des serviteurs annonça au saint de la zaouïa l’arrivée du meddah. “Cet homme n’est pas un meddah, c’est un sellah (bienfaiteur)”,
rétorqua le vénéré cheikh. Cette réponse lourde de sens se veut en fait
un signe fort du grand respect et l’esprit fraternel qui lient les deux
personnages.
Si Mohand cachait même sa pipe de kif dans le
buisson avant de venir à la rencontre du vertueux homme. Cela signifie
la parfaite considération qu’exprime le poète pour le cheikh.
Le premier échange de mots est une déclamation de poèmes exécutée excellemment par Si Mohand. “Pour le départ, prépare le viatique. Malade est mon cœur. Ce pays va changer d’homme…”, lança-t-il.
Cheikh
Mohand Oulhocine était surpris par des poèmes aussi sublimes. Il
demanda alors au poète de lui répéter les vers. Mais Si Mohand u M’hand
lui fera comprendre qu’il ne répète jamais les vers qu’il a déjà
déclamés. Devant le refus du poète, la discussion a pris une autre
allure.
La
rencontre des deux bardes s’est terminée par une sorte de propos qui
présageaient à Si Mohand Ou M’hand un exil loin des siens.
Et comme l’avait prédit cheikh Mohand Oulhocine, Si Mohand Ou M’hand sera enterré dans une terre d’asile “Asequif n’tmana”, un 28 décembre 1905.
Poèmes de Si Mohand
Ses
œuvres, d’une grande émotion, qualifiées de plus légères que l’air,
sont imprégnées de sa grandeur d’âme et de son attachement à ses
valeurs ancestrales et à sa terre bénie.
Le
poète, éternel errant, vivant d’expédients, a usé d’un verbe tranchant
et d’une verve rebelle pour dénoncer les injustices et les souffrances
des siens, dépossédés par le colon, affaiblis par la grande famine de
1868 ou piégés dans les enfumades. Il n’hésitait pas à user de poésies
pour répondre à toutes ces injustices.
Pourtant, on ne sait que peu de choses de la vie de Si Mohand, et seuls quelques fragments de ses œuvres sont parvenus à nous.
Le poète usait de l’oralité et n’écrivait jamais ses poèmes, il était pourtant fin connaisseur de l’arabe littéraire.
Si Mohand Ou M’hand avait-il prédit que sa poésie serait éternelle en clamant un jour
“Qui l’entendra l’écrira Ne la lâchera plus et Le sage m’approuvera” ?
Si Mohand Ou M'Hand Ath Hammadouche est né vers 1845 et est mort en 1906 (d'après Boulifa).
Si
la date de sa mort semble établie, celle de sa naissance est
approximative. En effet, l'Etat Civil en Kabylie n'a pas eu d'existence
officielle avant 1891. Elle n’a été rendue possible, et
approximativement, que parce que beaucoup de témoignages et de dires
confondaient la durée de sa vie avec celle du Prophète (Qsssl). Soit
dit 63 ans.
Il naquit donc dans l'ancien village de Chéraïouia
où son père Mehand Améziane Ou Hammadouche, originaire de Aguemoun,
s'était réfugié pour échapper à une vendetta.
Après 1857, le
village de Chéraïouia fut rasé et à son emplacement fut édifiée la
citadelle de Fort-National (Larbaâ Nath Irathen). L'autorité militaire
attribua aux habitants un terrain à 10Km au nord, près de Tizi-Rached,
qui appartenait à une zaouïa.
En fait, la population s'est répartie, pour une faible part sur ce terrain où naquit la nouvelleChéraïouia, mais pour la plupart aux alentours de Fort-National.
Les
parents de Si Mohand s'installèrent à Akbou, au lieu-dit Sidi-Khelifa.
Son oncle paternel, Cheikh Arezki Ou Hammadouche, maître en droit
musulman y avait ouvert une zaouïa où un Taleb enseignait le
Coran, non seulement aux enfants de la famille mais aussi à tous ceux
du village. C'est là que Si Mohand commença ses études avant de
rejoindre l'importante zaouïa de Sidi Abderrahmane Illoulen
(Michelet). Son père était usurier, c’était la noblesse de l’époque, La
famille était aisée et l'enfance de Si Mohand heureuse.
En
1871, lors de l'insurrection, la famille s'est engagée aux côtés de
Cheikh El Mokrani contre la colonisation de la Kabylie. Le père, Mohand
Améziane fut exécuté à Fort-National, l'oncle Arezki déporté en
Nouvelle-Calédonie et leurs biens confisqués au profit de l'Etat.
La
famille ruinée et anéantie se dispersa, la mère se retira dans la
nouvelle Chéraïouia avec son jeune fils Méziane et là commença la vie
de vagabond de Si Mohand, errant de ville en ville. Son frère aîné Akli
s'enfuit à Tunis avec l'essentiel des ressources de la famille. Cet
épisode a été vécu comme un drame, un choc à ne plus s’en remettre.
En
refusant la fonction d'écrivain attaché à l'administration coloniale
que cette dernière lui proposait, Si Mohand Ou M'hand, qui jouit d'une
place sacrée dans la mémoire collective kabyle, exprimait sa résistance
vis-à-vis de toute l'institution coloniale au même titre que son refus
de porter une carte d'identité, imposée par cette administration durant
toute sa vie, était perçu comme la non-reconnaissance par lui de
l'ordre colonial établi.
Les portes de l’errance s’ouvrent donc grandement devant les yeux du poète, telles celles de l’enfer.
Mon cœur tout troublé
Par le kif et l’alcool
N’a suivi que ses penchants
Accueillez le vagabond
O gens sensés et nobles
Etranger dans son pays
Dans l’exil et dans l’oubli
J’ai ignoré mes devoirs
C’est maintenant que mon cœur saigne.
A
quelques exceptions près - la langue et la situation géographique
seulement les séparaient -Si Mohand ressemblait de beaucoup à son égal
français Arthur Rimbaud, l’autre amoureux des sentiers, des chemins
inconnus et des contrées lointaines qui aimait d’ailleurs à répéter:
«Je suis un piéton rien de plus.»
«De l’Alma à Ménerville
L’ennui me prit
A la côte des djellabas
Je suis parti tôt le matin
J’ai marché sans relâche!
Le soleil est descendu sur les crêtes
Sans honte je m’affale dans un café
Mourant de fatigue
Et demandant pardon aux saints. »
A ce sujet, Mouloud Feraoun, qui avait mené une grande recherche sur sa poésie et sa vie, écrira: «Il
était pareil à une feuille que le vent emporte et qui ne pourrait se
fixer nulle part ailleurs que sur la branche d’où elle a été détachée.» Comme pour dire que le poète ne pouvait s’enraciner que dans sa Kabylie, plus précisément au sein de son village natal.
Et comme il a tout perdu (déraciné de sa terre natale), il se livre alors à l’errance et, de surcroît, au gré des vents.
Plus
qu’un choix, une raison de vivre, l’errance avait un ascendant terrible
sur lui puisque le poète a toujours refusé, selon des témoins de son
époque, de monter dans un train ou une diligence (qui est un moyen de
transport de l’époque par excellence), non pas par crainte mais par
esprit d’indépendance.
La
décadence de sa famille après la défaite (c’était un retournement de
position radical) et son mariage qui fut un échec -sa femme l’avait
quitté pour sa paresse- ont eu raison de sa ténacité et de sa croyance
en des jours meilleurs, et le voilà qui aborde en sanglots mais avec
résignation:
«Vois mon cœur oppressé!
En lui-même il éclate
Chaque fois que je pense à elle
O suprême créateur
Nous implorons ta justice
Sois un soutien pour nous
Délivre-nous des tourments. »
«J’avais un jardin incomparable aux pousses drues et vigoureuses
Que Dieu protège ses richesses
Un mur le fermait et l’abritait...
Maintenant qu’un torrent y fut dirigé
l’éboulement a tout emporté
Il n’en reste aucune trace.»
Si
Mohand avait émis le souhait d’être enterré à Askif N’Temana, une
localité de la Haute Kabylie, ce qui a été réalisé grâce à son ami le
poète Si Youcef, qui s’était chargé des funérailles.
Mais le
souhait le plus cher au poète qui a été formulé en vers et en toute
inconscience s’est révélé plus tard une vérité absolue. En voici son
vœu:
«Ceci est mon poème
Plaise à Dieu qu’il soit beau
Et se répand partout
Qui l’entendra l’écrira
Ne le lâchera plus
Et le sage m’approuvera.»
Si
Mohand passa quelque 30 ans d'errance entre la Kabylie et la région de
Bône (Annaba) où de nombreux Kabyles travaillaient comme ouvriers
agricoles ou comme mineurs. Un autre de ses oncles, Hend N'Aït Saïd,
était d'ailleurs installé dans les faubourgs de Bône.
«C’est dans son errance qu’il forgea sa poésie», a expliqué Younes Adli, précisant que «le poète composait un poème dès qu’il assistait à un événement fort et marquant».
Cela
revient à dire que la poésie de Si Mohand Ou M’hand est ancrée dans un
contexte social et historique, que le poète a vécu l’Histoire et, à
travers sa poésie, est racontée l’histoire de sa société.
Chaque poème raconte donc une histoire, car «pour
Si Mohand Ou M’hand il est nécessaire, dès qu’il y a un chamboulement
dans l’Histoire, de consigner les changements survenus dans son temps».
De ses trente-cinq années d’errance, «on
n’a pu recenser que 360 poèmes, ce qui est très peu, voire faible. On
n’a pas encore récolté l’essentiel de sa production poétique, sachant
qu’une grande partie demeure dans les mémoires. Toutefois, la mémoire
ne peut résister au temps, à l’oubli», a souligné Younes Adli.
N’écrivant
pas ses œuvres et ne les répétant pas, Mohand Ou M’hand, qui avait
réussi à faire sortir la poésie kabyle de ses montagnes pour la
propager, çà et là, à travers toute l’Algérie et même au-delà des
frontières (Tunisie), avait une technique spécifique : le neuvain (9
vers), à travers lequel il véhiculait un message.
Si Mohand mourut en 1906 à l'hôpital des Sœurs Blanches de Michelet et fut enterré au sanctuaire de Sidi Saïd Ou Taleb.
Le
destin de Si Mohand Ou M’hand est scellé dans l’exil et l’errance au
lendemain de sa rencontre tant attendue avec cheikh Mohand Oulhocine.
De leur vécu, les deux hommes se vouaient mutuellement une déférence irréprochable à distance.
Le poète décida un jour d’aller rendre visite au cheikh. Un des serviteurs annonça au saint de la zaouïa l’arrivée du meddah. “Cet homme n’est pas un meddah, c’est un sellah (bienfaiteur)”,
rétorqua le vénéré cheikh. Cette réponse lourde de sens se veut en fait
un signe fort du grand respect et l’esprit fraternel qui lient les deux
personnages.
Si Mohand cachait même sa pipe de kif dans le
buisson avant de venir à la rencontre du vertueux homme. Cela signifie
la parfaite considération qu’exprime le poète pour le cheikh.
Le premier échange de mots est une déclamation de poèmes exécutée excellemment par Si Mohand. “Pour le départ, prépare le viatique. Malade est mon cœur. Ce pays va changer d’homme…”, lança-t-il.
Cheikh
Mohand Oulhocine était surpris par des poèmes aussi sublimes. Il
demanda alors au poète de lui répéter les vers. Mais Si Mohand u M’hand
lui fera comprendre qu’il ne répète jamais les vers qu’il a déjà
déclamés. Devant le refus du poète, la discussion a pris une autre
allure.
La
rencontre des deux bardes s’est terminée par une sorte de propos qui
présageaient à Si Mohand Ou M’hand un exil loin des siens.
Et comme l’avait prédit cheikh Mohand Oulhocine, Si Mohand Ou M’hand sera enterré dans une terre d’asile “Asequif n’tmana”, un 28 décembre 1905.
Poèmes de Si Mohand
Ses
œuvres, d’une grande émotion, qualifiées de plus légères que l’air,
sont imprégnées de sa grandeur d’âme et de son attachement à ses
valeurs ancestrales et à sa terre bénie.
Le
poète, éternel errant, vivant d’expédients, a usé d’un verbe tranchant
et d’une verve rebelle pour dénoncer les injustices et les souffrances
des siens, dépossédés par le colon, affaiblis par la grande famine de
1868 ou piégés dans les enfumades. Il n’hésitait pas à user de poésies
pour répondre à toutes ces injustices.
Pourtant, on ne sait que peu de choses de la vie de Si Mohand, et seuls quelques fragments de ses œuvres sont parvenus à nous.
Le poète usait de l’oralité et n’écrivait jamais ses poèmes, il était pourtant fin connaisseur de l’arabe littéraire.
Si Mohand Ou M’hand avait-il prédit que sa poésie serait éternelle en clamant un jour
“Qui l’entendra l’écrira Ne la lâchera plus et Le sage m’approuvera” ?
Re: si moh ou mhend
sefra (poèmes)
[Transcription de Mouloud Feraoun] - 1 -
- 2 -
Isefra (poèmes)
[Transcription de Younès Adli]
- 1 Résistance :
- 2 Conseils
- 3 La femme :
“Jadis, je fus clerc. Aux soixante Sourate.
Jadis je maniais la plume, m’adonnais à l’étude sans repos.
Mon nom était connu de tous.
Jadis j’étais chevalier, comblé de biens et entouré de disciples.
Nul n’est libre de rester chez lui, de l’exil amer est la condition”.
[Transcription de Mouloud Feraoun] - 1 -
Ceci est mon poème; Plaise à Dieu qu'il soit beau Et se répande partout. | Thikelta ad hhedjigh asfrou Oua lahh addlhhou Addinaddi ddeg louddiath. |
Qui l'entendra l'écrira, Ne le lâchera plus Et le sage m'approuvera : | Oui thislan ar dha thiarou Our as iverou Oui ilan ddelfahhem izrath : |
Que Dieu leur inspire pitié; Lui seul peut nous en préserver : Qu'elles nous oublient, nous n'avons plus rien | An helel Rebbi athet ihheddou Ghoures ai neddaou Add vaddent addrim nekfath. |
Ce siècle fait fuir Qui a enrichi les chiens Vous êtes brisés, ô nobles coeurs ! | El qern agi iserhhav Ddeg revhhen leklav Therzem ia oulad bab allahh. |
Je dois aux méchants mes cheveux blancs, Ma raison m'a abandonné, Je suis "le fils dépravé". | Selmahna ensen aï nechav Dderaï iou ighav Semani edaria malahh. |
Il faut donc me résigner Puisque le lâche se fait craindre Tant pis, ô mon âme, tant pis ! | Djigh echi netalav Mi ddouddaï mouhhav Chahh ! a raï ou, chahh ! |
Isefra (poèmes)
[Transcription de Younès Adli]
- 1 Résistance :
Les règles sont désormais perverties, C'est ainsi établi Les vils ont pris le dessus. | Ddenya fmedden tfusel Di lefhem yetnesel Zwamel bedlen tikli |
Tous les hommes bien nés Ont pris la forêt Bravant les affres de l'adversité | Krabbw'illan d lasel Di lghaba yehmel âaryan talab'ur telli |
Dieu a ainsi destiné ce siècle Qui nous enserre dans l'inquiétude Jusqu'à trébucher à chaque pas. | Lqern akk'i t id yersel deg-wnezgum nehsel mi nger aqeddam neghli. |
Toi l'intelligent, Ne sois jamais De la compagnie de l'homme hautain | A lfahem a k-nxebber Albâad ma meqwer Ur ttili deg tayfa-s |
Si tu lui fais appel Il ira crier sur tous les toits Et te méprisera à outrance | Ma tqesd-t ur k-itesser Ad yezg a k-ihqer Hsut iâeda tilas |
Alors, sois humble Eloigne-toi de lui Apprends à oublier même le paradis lorsqu'il te rejette | Ma tellid d uhdiq wexer Xir baâed meqar Igenet ma tugi-k anef-as. |
Mon cœur pensif S'étonne des réalités Et jure de ne plus s'égayer | Ata wul-iw yetpensi Yegul ur yedsi Yetewhim i lehqayeq |
Me voilà forcé de partir Sans le sou Sans revoir ma bien-aimée | Rhil ad ruhegh forsi Adrim ixusi Abrid ar taâzizt yeghleq |
Elle se priva de dîner Elle éclata en sanglots A s'étouffer. | Wellah ma tecc imensi Ala imeti Imi nsel ala tnehheq. |
“Jadis, je fus clerc. Aux soixante Sourate.
Jadis je maniais la plume, m’adonnais à l’étude sans repos.
Mon nom était connu de tous.
Jadis j’étais chevalier, comblé de biens et entouré de disciples.
Nul n’est libre de rester chez lui, de l’exil amer est la condition”.
matoub lounes isefra
Biographie
Lounès MATOUB 1956-1998.
Une
voix grave et veloutée, quelques notes au banjo ou au oûd, parfois des
effluves de violon ou de synthétiseur... Le « protest-singer » algérien
Lounès Matoub se doublait d’un crooner empruntant ses mélodies, ses
intonations et ses orchestrations au chaabi, musique populaire dérivée
du classicisme arabo-andalou.
Alors que la plupart des
chanteurs kabyles à textes se cantonnent dans une sorte d’austérité
musicale et restent souvent, à cause de cela, peu accessibles aux
Européens, Lounès Matoub était de taille à captiver le public
occidental grâce à son timbre rocailleux et à ses musiques nourries des
fastes de la nouba.« Mais la paix renaîtra un jour...Et mes chants parmi vous célébreront à nouveau le printemps si cher à nos cœurs... ».
Cet
infatigable barde de la laïcité et de la culture berbère, qui a clamé
sur tous les tons que seule la mort parviendrait à le faire taire, a
été assassiné le 25 juin 1998, vraisemblablement par un commando
islamiste, sur une route menant à Taourirt Moussa, où il était né
quarante-deux ans plus tôt, le 26 janvier 1956.
Écorché
vif, volontiers provocateur, Lounès Matoub ne mâchait pas ses mots pour
dénoncer l’intégrisme et les abus du pouvoir en place.
Militant
du Mouvement culturel berbère (M.C.B.), puis compagnon de route du
parti d’opposition R.C.D. (Rassemblement pour la culture et la
démocratie), il fut une des figures de proue du « printemps berbère »
de 1980 et ses chansons furent souvent interdites sur les ondes
algériennes.
Une
première fois, son engagement faillit lui coûter la vie lorsque, au
cours des manifestations de 1988, il fut blessé de cinq balles au
ventre.
En 1994, il fut l’objet, quinze jours durant, d’un
enlèvement par des islamistes – enlèvement dont l’authenticité fut
contestée, puis rétablie après un procès en diffamation –, qu’il
raconte avec moult détails dans son livre Le Rebelle (1995).
Au
moment où entrait en vigueur la loi sur la « généralisation de
l’utilisation de la langue arabe », ce chantre du parler tamazight
(berbère) n’a pu échapper au guet-apens dans lequel il avait été attiré
et aux rafales de balles tirées sur lui alors qu’il était en voiture
avec son épouse et ses deux belles-sœurs.
À peine un mois auparavant, Lounès Matoub enregistrait Lettre ouverte aux..., prophétique album où il s’en prend comme à son habitude à ceux qui « ...ont greffé l’atroce grimace de la religion et du panarabisme sur la face de l’Algérie ». Mais où il se livre également à une sorte d’autocritique : « ...Ne m’abandonne pas ...Je suis à toi, mon bourreau accoutumé ». Voire à de contradictoires déclamations : « La vérité : la répandre dans le cœur il le faut ! Rendons sa liberté au mensonge ». Pour finir sur un insondable pessimisme : « Le sort m’a dépossédé de moi-même...Il a ravagé mon corps...Je ne guérirai pas, je le sais ».
Philosophe
torturé tout autant que poète rebelle, lui qui fut tant fasciné par la
figure du martyr, prévoyait pour cet ultime enregistrement, un succès
sans précédent : « Tel est le monde sais-tu...Une fois happé, bien mort...Une maudite engeance t’affuble de prestige... ».
Dans Lettre ouverte aux...,
comme dans ses précédents albums, la beauté sonore de la langue kabyle,
le charisme de son grain de voix, les notes orientalo-syncopées du
mandol servent de superbe écrin à ses professions de foi tumultueuses,
à ses remises en questions touchantes, à sa fragilité revendiquée...
Hélas ! Lounès Matoub a chèrement payé son attachement à sa langue, à sa culture, à la liberté et à l’indépendance de son pays.
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Iceqqeq ifsex igenniLehwa tessared azêkkayal targa tremmeg a tneggiA tsseggixent tghuzaDdew tmedlin teffegh d teghriTesrârrêh abbuh a tarwa A kenza a yelliSêbr as i lmêhnaD isflan neghliF Ldzayer uzekkaA Kenza a yelliUr tsru yara X as terka ldjessa tefsitikti ur tetsmetstat araX as fellagh qeshêt tiziI facal ad d nadjdjew ddwaX as negdên achâl d itriIgenni ur inegger ara A Kenza a yelliUr tsru yaraSebba f neghliD Ldzayer uzekkaA Kenza a yelliUr tsru yara Fran ts fellagh zik enniUqbel a d yêhdêr wass aIsêggaden n tmusniF tumûrt ghêdlen d rrehbaNnghan Rachid Tigziri,Smail ur thezgilen araNnghan Lyabes d FlisiBusebsi d wiyâd mêrra A Kenza a yelliSêbr as i lmêhnaD isflan neghliF Ldzayer uzekkaA Kenza a yelliUr tsru yara Xêrsum d yiwen ad d yegûriAd agh i d ismekti azekkaF ldjerh' iqcerâ ad d yaliAd d nban ger tmuraTarwa nnegh ad d tennerniX as akken g ûrebbi n tlufa A Kenza a yelliUr tsru yaraD isflan neghliF Ldzayer uzekkaA Kenza a yelliUr tsru yara
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Xellsegh adrar s yidammen-iw : a d-yeqqim later-iwXas gullen ard a t-sefdenWid yetganin di lmut-iw, yessamsen isem-iwKul tizi a yi-d-mlilen Atas i ggigh si lheqq-iw armi i qqwlegh seg yilexxaxenWwtegh, dligh ghef nnif-iw ufigh wigad i t-yesxewdenXas yegga lgehd ighallen-iwMazal ssut-iw ad yebbaâzeq... as-d-slen ! Nnan : " yeqqers-ed wedrar keççini ur tehdired ara "Bnadem i bnadem yeqqar : " d amenzu n yennayer ass-a "Teggugeg tmurt am lefnar di Tizi tressa rrehbaDi Bgayet yetterdeq waâbar ; rzan azaglu n tlufa A lâamer-iw, a lâamer-iw... d idurar ay d lâamer-iw ! Annagh, mennagh win ihedren xersum a d-zzgegh awal !Lemhayen i diyi-yughen ughalent-iyi d ras-lmalImi Leqwbayel ddukkwlen yir laâyub a ten-sefden ;Ul’ayghar teghwzi n wawalTamazight d lsas nnsen, d azar n tudert nnsenD lweqt ad ferzen lecghwal A lâamer-iw, a lâamer-iw... d idurar ay d lâamer-iw ! Xas yeççeh wul-iw, maâdur, garawen imi ur hdiregh araAtas i iâabba yeççur, zzay ur yezmir araYebgha ad as-d-slen laârur, widen ara yeççen ahicurM’akka tuzdag nnaâmaWin i s-yennan : awhid mehqur , a d-yas a d-izid lehdurM’akka ghuri i d-terza ssehha A lâamer-iw, a lâamer-iw... d idurar ay d lâamer-iw ! " Yir lehdur seffden ddnub ", i d-nnan yimezwuraUl’ayghar a ttfegh addud i wayen ur nesâi lmaânaAd yughal ad yehlu ufud, ad as-teslem i wegrudAd yetghenni ghef TimmuzghaAyen i gh-d-yegga Dda Lmulud deg yigenni iban-ed am rrâudWiss’ ma thulfam i tmeqwa...
Lounès MATOUB 1956-1998.
Une
voix grave et veloutée, quelques notes au banjo ou au oûd, parfois des
effluves de violon ou de synthétiseur... Le « protest-singer » algérien
Lounès Matoub se doublait d’un crooner empruntant ses mélodies, ses
intonations et ses orchestrations au chaabi, musique populaire dérivée
du classicisme arabo-andalou.
Alors que la plupart des
chanteurs kabyles à textes se cantonnent dans une sorte d’austérité
musicale et restent souvent, à cause de cela, peu accessibles aux
Européens, Lounès Matoub était de taille à captiver le public
occidental grâce à son timbre rocailleux et à ses musiques nourries des
fastes de la nouba.« Mais la paix renaîtra un jour...Et mes chants parmi vous célébreront à nouveau le printemps si cher à nos cœurs... ».
Cet
infatigable barde de la laïcité et de la culture berbère, qui a clamé
sur tous les tons que seule la mort parviendrait à le faire taire, a
été assassiné le 25 juin 1998, vraisemblablement par un commando
islamiste, sur une route menant à Taourirt Moussa, où il était né
quarante-deux ans plus tôt, le 26 janvier 1956.
Écorché
vif, volontiers provocateur, Lounès Matoub ne mâchait pas ses mots pour
dénoncer l’intégrisme et les abus du pouvoir en place.
Militant
du Mouvement culturel berbère (M.C.B.), puis compagnon de route du
parti d’opposition R.C.D. (Rassemblement pour la culture et la
démocratie), il fut une des figures de proue du « printemps berbère »
de 1980 et ses chansons furent souvent interdites sur les ondes
algériennes.
Une
première fois, son engagement faillit lui coûter la vie lorsque, au
cours des manifestations de 1988, il fut blessé de cinq balles au
ventre.
En 1994, il fut l’objet, quinze jours durant, d’un
enlèvement par des islamistes – enlèvement dont l’authenticité fut
contestée, puis rétablie après un procès en diffamation –, qu’il
raconte avec moult détails dans son livre Le Rebelle (1995).
Au
moment où entrait en vigueur la loi sur la « généralisation de
l’utilisation de la langue arabe », ce chantre du parler tamazight
(berbère) n’a pu échapper au guet-apens dans lequel il avait été attiré
et aux rafales de balles tirées sur lui alors qu’il était en voiture
avec son épouse et ses deux belles-sœurs.
À peine un mois auparavant, Lounès Matoub enregistrait Lettre ouverte aux..., prophétique album où il s’en prend comme à son habitude à ceux qui « ...ont greffé l’atroce grimace de la religion et du panarabisme sur la face de l’Algérie ». Mais où il se livre également à une sorte d’autocritique : « ...Ne m’abandonne pas ...Je suis à toi, mon bourreau accoutumé ». Voire à de contradictoires déclamations : « La vérité : la répandre dans le cœur il le faut ! Rendons sa liberté au mensonge ». Pour finir sur un insondable pessimisme : « Le sort m’a dépossédé de moi-même...Il a ravagé mon corps...Je ne guérirai pas, je le sais ».
Philosophe
torturé tout autant que poète rebelle, lui qui fut tant fasciné par la
figure du martyr, prévoyait pour cet ultime enregistrement, un succès
sans précédent : « Tel est le monde sais-tu...Une fois happé, bien mort...Une maudite engeance t’affuble de prestige... ».
Dans Lettre ouverte aux...,
comme dans ses précédents albums, la beauté sonore de la langue kabyle,
le charisme de son grain de voix, les notes orientalo-syncopées du
mandol servent de superbe écrin à ses professions de foi tumultueuses,
à ses remises en questions touchantes, à sa fragilité revendiquée...
Hélas ! Lounès Matoub a chèrement payé son attachement à sa langue, à sa culture, à la liberté et à l’indépendance de son pays.
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- 1978 : Ay izem ; Daâwessu
- 1979 : Ruh ay aqcic ; yekkes-as znad iw cekkel ; ay idurar n-jerjer ; ay ahlili
- 1980 : AtwaliY
- 1981 : Assa-agi lliY ; essla3vit ay avahri ; at yiraten
- 1982 : Tirgin
- 1983 : Tamsalt n-sliman
- 1984 : Tarwa n-lhif
- 1985 : Yecdas i-rebbi leqlam; a lvavur
- 1986 : Les deux compères ; tamurt-iw
- 1987 : Tissirt n ndama
- 1988 : Lmut ; rwah rawah
- 1989 : L'ironie du sort
- 1991 : Regard sur l'histoire d'un pays damné ; Izri-w
- 1993 : Communion avec la patrie ; Imeshaf
- 1994 : Kenza
- 1996 : L'espoir ; La complainte de ma mère
- 1997 : Au nom de tous les miens
- 1998 : Lettre ouverte aux...
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Iceqqeq ifsex igenniLehwa tessared azêkkayal targa tremmeg a tneggiA tsseggixent tghuzaDdew tmedlin teffegh d teghriTesrârrêh abbuh a tarwa A kenza a yelliSêbr as i lmêhnaD isflan neghliF Ldzayer uzekkaA Kenza a yelliUr tsru yara X as terka ldjessa tefsitikti ur tetsmetstat araX as fellagh qeshêt tiziI facal ad d nadjdjew ddwaX as negdên achâl d itriIgenni ur inegger ara A Kenza a yelliUr tsru yaraSebba f neghliD Ldzayer uzekkaA Kenza a yelliUr tsru yara Fran ts fellagh zik enniUqbel a d yêhdêr wass aIsêggaden n tmusniF tumûrt ghêdlen d rrehbaNnghan Rachid Tigziri,Smail ur thezgilen araNnghan Lyabes d FlisiBusebsi d wiyâd mêrra A Kenza a yelliSêbr as i lmêhnaD isflan neghliF Ldzayer uzekkaA Kenza a yelliUr tsru yara Xêrsum d yiwen ad d yegûriAd agh i d ismekti azekkaF ldjerh' iqcerâ ad d yaliAd d nban ger tmuraTarwa nnegh ad d tennerniX as akken g ûrebbi n tlufa A Kenza a yelliUr tsru yaraD isflan neghliF Ldzayer uzekkaA Kenza a yelliUr tsru yara
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Xellsegh adrar s yidammen-iw : a d-yeqqim later-iwXas gullen ard a t-sefdenWid yetganin di lmut-iw, yessamsen isem-iwKul tizi a yi-d-mlilen Atas i ggigh si lheqq-iw armi i qqwlegh seg yilexxaxenWwtegh, dligh ghef nnif-iw ufigh wigad i t-yesxewdenXas yegga lgehd ighallen-iwMazal ssut-iw ad yebbaâzeq... as-d-slen ! Nnan : " yeqqers-ed wedrar keççini ur tehdired ara "Bnadem i bnadem yeqqar : " d amenzu n yennayer ass-a "Teggugeg tmurt am lefnar di Tizi tressa rrehbaDi Bgayet yetterdeq waâbar ; rzan azaglu n tlufa A lâamer-iw, a lâamer-iw... d idurar ay d lâamer-iw ! Annagh, mennagh win ihedren xersum a d-zzgegh awal !Lemhayen i diyi-yughen ughalent-iyi d ras-lmalImi Leqwbayel ddukkwlen yir laâyub a ten-sefden ;Ul’ayghar teghwzi n wawalTamazight d lsas nnsen, d azar n tudert nnsenD lweqt ad ferzen lecghwal A lâamer-iw, a lâamer-iw... d idurar ay d lâamer-iw ! Xas yeççeh wul-iw, maâdur, garawen imi ur hdiregh araAtas i iâabba yeççur, zzay ur yezmir araYebgha ad as-d-slen laârur, widen ara yeççen ahicurM’akka tuzdag nnaâmaWin i s-yennan : awhid mehqur , a d-yas a d-izid lehdurM’akka ghuri i d-terza ssehha A lâamer-iw, a lâamer-iw... d idurar ay d lâamer-iw ! " Yir lehdur seffden ddnub ", i d-nnan yimezwuraUl’ayghar a ttfegh addud i wayen ur nesâi lmaânaAd yughal ad yehlu ufud, ad as-teslem i wegrudAd yetghenni ghef TimmuzghaAyen i gh-d-yegga Dda Lmulud deg yigenni iban-ed am rrâudWiss’ ma thulfam i tmeqwa...
Re: si moh ou mhend
Biographie
Lounis Aït Menguellet est un chanteur kabyle, né le 17 janvier 1950 à Ighil Bouammas (« le côteau du milieu »), petit village niché dans les chaînes montagneuses du Djurdjura, près de Tizi Ouzou en Grande Kabylie, (Algérie).
Lounis Aït Menguellet est certainement l'un des artistes les plus populaires et les plus attachants de la chanson kabyle contemporaine, un poète qui est devenu le symbole de la revendication identitaire berbère.
A propos des évènements qui ont secoué la Kabylie
ces dernières années, il dit que, égale à elle-même, la région est un
bastion de la contestation et qu’elle a toujours été à l’avant-garde
des luttes. « Je parle de la Kabylie à ma façon, afin d’apporter quelque chose pour que les choses évoluent », avant de s’empresser d'ajouter qu'il ne fait jamais de politique.
La
carrière de Lounis Aït Menguellet peut être scindée en deux parties
selon les thèmes traités : la première, plus sentimentale de ses
débuts, où les chansons sont plus courtes et la seconde, plus politique
et philosophique, caractérisée par des chansons plus longues et qui
demandent une interprétation et une lecture plus approfondie des
textes.
Ahkim ur nsaa ara ahkim (Pouvoir sans contre-pouvoir), Idul sanga anruh (Le chemin est long), Nekni swarach n ldzayer
(Nous, les enfants d’Algérie) : Aït Menguellet choisit délibérément
dans ses concerts récents de chanter ces poèmes, plus longs et plus
composés, comme une invitation lancée à son public à une réflexion et à
une découverte.
En présentant son nouvel album à la presse, le 16 janvier 2005, à la veille de sa sortie le jour de son cinquante-cinquième anniversaire, à la Maison de la Culture de Tizi Ouzou, Lounis a fait remarquer que « l’artiste
ne fait qu’attirer l’attention des gens sur leur vécu et interpeller
leur conscience. C’est déjà une mission et je ne me crois pas capable
d’apporter les solutions aux problèmes ».
Aigri par
la situation sociale et politique de son pays déchiré, Lounis puise de
moins en moins dans son répertoire de chansons sentimentales qui ont
caractérisé ses débuts.
Une enfance marquée par la guerre d'indépendance
Dernier
né d’une famille de six enfants - il a trois sœurs et deux frères -,
Lounis Aït Menguellet nait dans le village d'Ighil Bouammas, près de
Tizi Ouzou en Grande Kabylie le 17 janvier 1950,
un peu plus de quatre ans avant le déclenchement de l'insurrection qui
apportera, après huit années d'une guerre sans merci, l'indépendance à
son pays.
Il a vécu une enfance difficile, partagé entre sa région natale et Alger où il s'installera un temps chez ses frères Smail et Ahmed.
Ses parents exerçaient une activité de commerçants. « Ma famille avait pour tradition le commerce. On avait une sorte de ferme et des magasins dans l’Oranais, à Rahouia. Les hommes y allaient à tour de rôle pour faire marcher les commerces. Les femmes et les enfants restaient en Kabylie ».
Il aura à peine le temps de commencer ses études primaires à l'école de son village : « J’y suis allé pendant une année, avant que l’école ne soit détruite, brûlée par les Moudjahiddines ».
La suite ? « Elle
a été un peu compliquée. J’ai tenté de reprendre les études au village,
et j’ai fait quelques années encore avant l’indépendance. Puis, après 1962, je suis parti avec mes frères sur Alger
où j’ai repris le cursus primaire dans une école aux Champs de
Manœuvres, et de là, j’ai atterri au collège d’enseignement technique
dans lequel je suis resté trois ans ».
Au
cours de la dernière année, Lounis doit tout abandonner après la mort,
dans un accident de la circulation, de son grand frère, jeune
commissaire de police à Alger, qui l’avait à sa charge et s'occupait de lui depuis le départ du père à Oran.
Pendant ses études - il suit une formation d'ébéniste dans un collège technique - il s'éprend de littérature, grâce à un professeur particulièrement pédagogue, et commence à écrire des poèmes, qu'il chante dans la plus pure tradition orale de la poèsie berbère.
Obligé
de travailler pour vivre, Lounis trouve un emploi de secrétaire
subdivisionnaire au ministère des Travaux publics. Mais, parallèlement,
il commence à se lancer dans la chanson, sans penser encore à devenir
chanteur.
Les débuts dans la chanson
Ses débuts dans la chanson remontent, à l'année 1968. Il avait à peine dix-huit ans lorsqu'il crée avec quelques copains le groupe Imazighen. « On était des débutants, on a beaucoup bourlingué, fait des galas, des fêtes un peu partout en Kabylie. Je me rappelle bien de ce gala qu’on avait fait à la salle des fêtes de Tassaft. Elle était archicomble, et j’en garde un très bon souvenir. C’était notre premier gala réussi, ça nous a vraiment galvanisés ».
Des pères blancs avaient mis à leur disposition une pièce pour que le groupe puisse répéter. Et au 1er étage, Mouloud Mammeri dispensait des cours de langue amazighe ; Lounis apprendra l'alphabet tifinagh grâce à l'écrivain.
Un an plus tôt, en 1967, son cousin Ouahab l’avait pris presque de force pour l’emmener subir l’incontournable et très redouté passage à l’émission Nouva Ihafadhen de la Radio kabyle que Chérif Kheddam, une grande figure de la modernisation de la chanson kabyle, consacre à la découverte des « chanteurs de demain ». Il y chante sa première chanson, composée en 1966, à l'âge de seize ans, à la suite de sa première (et dernière, avouera-t-il plus tard) déception amoureusee, Ma trud ula d nek kter (Si tu pleures, moi je pleure encore plus).
Celui
qui avait l'habitude de chanter entre copains sous le clair de lune
d'Ighil Bouammas, son village natal, devient, en quelques mois, cette
idole qui bouleverse les cœurs. Sa carrière est lancée.
Ce cousin s'occupait du groupe, et jouait un peu le rôle de manager. « C’est
lui qui m’avait vraiment poussé à y aller. Dans le temps, il était au
groupe comme un manager, il nous débrouillait des galas, le transport.
Il était très actif avec nous jusqu’en 1970.
Puis, je suis rentré au village, les autres se sont dispersés, et le
groupe a fini par disparaître. Mine de rien l’expérience a quand même
duré près de trois ans ».
De
retour chez lui à Ighil Bouammas, Lounis est recruté comme secrétaire à
la Kasma de la région, et il se marie. Mais il doit quitter son
travail, après seulement quelques mois d’exercice, pour partir sous les
drapeaux. Sa première fille - il aura au total six enfants - vient au
monde alors qu’il accomplissait son instruction à Blida, avant d’aller faire ses dix-huit mois à Constantine. C’est également pendant cette période que Lounis prendra son véritable départ dans la chanson.
Toujours grâce à son cousin Ouahab, qui avait pris contact avec un éditeur, Yahia L’hadi (qui était aussi un célèbre chanteur arabe oranais), il enregistre en 1969 à Oran quatre chansons; dont la toute première, Ma trud ula d nek kter, pour ses deux premiers 45 tours, sortis en même temps.
Avec
l'aide d'un de ses amis, Kamel Hamadi, il surmonte les obstacles
imposés par la vie militaire pour continuer à enregistrer : « Kamel
m’avait, en fait, beaucoup aidé à foncer. Je venais en permission le
week-end, et il me réservait à l’avance le studio de Mahbou Bati à Alger
pour enregistrer. A l’époque, c’était des 45 tours. Je laissais alors
la bande à Kamel pour chercher un éditeur, s’en occuper, et moi je
reprenais le train pour Constantine le dimanche en soirée ».C’est ainsi qu’il ne se rendra compte du succès remporté par son second tube A Louiza, qui avec Ma selber assure définitivement sa popularité, que plusieurs mois plus tard. « Je n’en savais absolument rien. Moi j’étais loin, à Constantine enfermé dans une caserne… ».
Les années d'or
Aït
Menguellet était sans doute loin d’imaginer qu’il venait d’entamer une
longue carrière, et que, par la suite, cette période des débuts serait
qualifiée « d’années d’or », titre donné en 1987 à la réédition de ses premières chansons. À ce sujet, il précise avec modestie : « Ce
titre je n’ai jamais eu la prétention de le proposer. C’est l’éditeur
qui s’en est servi sans même m’aviser. Je n’aurais jamais osé. Je l’ai
découvert comme tout le monde sur les jaquettes des cassettes
rééditées. Alors s’il est mauvais je ne suis pas responsable, et si les
gens ont trouvé qu’il convient, je n’ai aucun mérite non plus ».
Dès
le départ, il se situe en rupture avec les orchestrations luxuriantes
(et souvent inutiles à son avis) de la musique « berbère » de cette
époque.
Son langage est à la fois poétique et revendicatif. Il
est devenu un symbole de la musique amazighe, à tel point qu'on l'a
souvent qualifié de Brassens kabyle.
Dans
les années soixante-dix, il s'installe quelque temps en France, où il
s'impose comme l'une des grandes figures de la chanson kabyle dans
l'émigration.
Il passe une première fois à l'Olympia en 1978, fait le plein au Zénith de Paris en 1985, et remplit toujours les stades de Tizi Ouzou, de Béjaïa et la salle Atlas à Alger.
À
partir de cette période, il commence à devenir le symbole de la
revendication identitaire berbère qu'il exprimera de façon éclatante
une décennie plus tard, lorsqu'il délaissera les chansons sentimentales
de ses débuts pour adopter un style plus philosophique, plus politique,
qui ira en s’affirmant avec des chansons fondatrices comme Agu (le Brouillard), Tibratin (Missives) et surtout Idaq wul (le Cœur oppressé).
Les
gens se reconnaissent dans le malaise social dépeint par Aït
Menguellet. Ses textes contiennent cette dose de subversion nécessaire
à la prise de conscience d’un peuple qui revendique son identité.
Lounis Aït Menguellet dérange. Le 25 octobre 1985,
il est condamné à trois ans de prison ferme pour « détention illégale
d’armes de chasse et de guerre ». Il est mis en isolement durant trois
mois. Malgré les aléas de la conjoncture et de l’ingratitude humaine,
il reste le plus populaire des chanteurs kabyles. Et surtout le plus
dense et le plus profond. Parce qu’il a su garder sans doute un parfait
équilibre entre l’inspiration et la technique et qu’il constitue un
moment fort de la chanson kabyle moderne et de la chanson algérienne contemporaine.
Le sage a dit
Après
près de quarante ans de carrière, plus de 200 chansons produites (il
affirme être incapable lui-même d'en donner le nombre exact) et une
notoriété bien établie, Lounis Aït Menguellet est toujours resté « ce
campagnard fier », « ce montagnard au fort caractère », essayant de
couler des jours paisibles dans son village d'Ighil Bouammas près de Tizi Ouzou. « La
vie au village n’est pas aussi ennuyeuse qu’on le pense. Le village où
l’on est né présente des attraits que d’autres personnes ne peuvent pas
voir. Le fait de me réveiller le matin et de voir la même montagne
depuis que je suis né m’apporte toujours quelque chose. »
Victime d'un lynchage en 2001, lié à la situation difficile que connait l'Algérie depuis le début des années 1990, il écrit deux ans plus tard Nedjayawen amkan (On vous a laissé la place), qui est censée être une chanson-réponse à cet évènement dont il refuse de parler.
En 2005, il sort un nouvel album Yennad Umghar (Le sage a dit),
et fait remarquer que la sagesse qu’il chante dans ses chansons est
puisée chez les petites gens qu’il côtoie. Le titre le plus long de
l'album - il dure 8' 22" - Assendu n waman (Les brasseurs de
vent) dénonce à la fois les manipulateurs d’opinion qui ont un rang
officiel, mais également, toutes les voix officieuses, partisanes,
généralement adeptes de la politique politicienne. Lounis constate que
les brasseurs de vent « viennent, promettent. Et reviennent, oublient. Et disent, c’est ainsi que se font les choses ».
Nul acteur politique n’est épargné, et c’est justement ce que certains
reprochent à Aït Menguellet : son manque d’engagement. Il rétorque
qu’il n’est pas chanteur engagé par vocation. Lui, il est humaniste,
rebelle, observateur et porte-voix des petites gens, des humbles, de
toutes ces voix écrasées par toutes sortes d’hégémonies, que l'on ne
laisse jamais s'exprimer.
Un poète à la voix envoûtante
Ni
philosophe, ni penseur, tout juste poète (« on me le dit si souvent que
je commence à y croire »), Lounis s'interdit, dans ses chansons, de
donner des leçons. « Je ne fais que de
l’observation. Elle peut être juste ou fausse. Mes mots ne sont pas des
vérités générales. Mais, quand je les dis, ça me fait du bien ».
Avec
des mots simples, il raconte la vie des gens simples qu'il cotoie, et
sait transmettre une émotion qui touche un public de plus en plus
nombreux, qui se presse à ses concerts. Et, avec modestie, il ajoute :
« Je suis un homme ordinaire, plus ordinaire que les ordinaires ».
La
voix envoûtante et profonde de Lounis Aït Menguellet porte un chant qui
vient du fond des âges ; c'est celle des troubadours du Moyen Âge,
celle des musiciens traditionnels de tous les peuples qui ont su
préserver leur âme. Par sa seule magie, cette voix chaude transporte
ceux qui l'écoutent au cœur de la Kabylie.
Troubadour, chanteur-compositeur, Aït Menguellet perpétue cette
tradition orale des montagnes kabyles qu'a si bien mise en évidence
avant lui le grand poète Si Mohand, décédé en 1906, et qu'a chantée Marguerite Taos Amrouche, sœur du poète Jean Amrouche, décédée en exil, en Tunisie.
Le chantre de la chanson kabyle
Lounis Aït Menguellet part sans cesse à la source pour puiser « une prose littéraire orale, cette prose amazigh traditionnelle dans ses différentes formes d’expression autour desquelles a évolué la mémoire collective de la société », fait remarquer Mohammed Djellaoui, auteur d'un essai sur la poésie d'Aït Menguellet, et il ajoute que le poète « met la légende et la vertu au service d’une cause ». Cette cause, c'est celle de la culture berbère.
Longtemps marginalisée, réduite à un genre mineur, la chanson kabyle, grâce à Lounis Aït Menguellet, a renoué avec le fonds traditionnel berbère qu'a chanté avant lui Slimane Azem, interdit d'antenne dans son pays durant plus de vingt-cinq ans.
L'auteur de « Asefru »
a su créer des formes et des structures propres à sa poésie en jouant
sur l’ambiguïté de sens des mots qu'il utilise, permettant une
interprétation pluridimensionnelle de la part de ses auditeurs.
En avril 1980, lorsque le wali de Tizi Ouzou décida d'interdire une conférence de l'anthropologue Mouloud Mammeri sur « La poésie ancienne des Kabyles », la population de la ville, puis des régions avoisinantes, sans parler d'Alger, où les Kabyles
sont très nombreux, se souleva, à l'appel des étudiants, pour défendre,
à travers les poètes anciens, la langue des ancêtres. L'un de ses
défenseurs les plus ardents fut Aït Menguellet :« Reconnais ce qui est tien... Prends garde de ne jamais l'oublier!... Langue kabyle... Celui qui t'aime... Te sacrifie sa vie ... Il te vénère Et pour toi garde la tête haute... C'est grâce à tes fils... Que l'Algérie est debout. »
« Pourquoi cette véhémence ? » se demande l'écrivain Kateb Yacine dans la préface qu'il écrivit en 1989 pour le livre de Tassadit Yacine « Aït Menguellet chante », et il répond : « C'est que tamazight, notre langue nationale, depuis des millénaires, est à peine tolérée, pour ne pas dire proscrite, dans l'Algérie indépendante ! ».
La puissance des chansons de Lounis réside dans la qualité de ses textes, la force du verbe : « La
paix demande la parole : je suis contrainte de t'abandonner, pays pour
qui j'ai l'âme en peine / Ils m'aiment en me comparant à une perdrix /
Belle quand je leur sers de festin… », dit l'un de ses textes.
Ou cet autre, qui clame : « Nous
avons chanté les étoiles, elles sont hors de notre portée / Nous avons
chanté la liberté, elle s'avère aussi loin que les étoiles ».
Conscient du rôle essentiel joué par la chanson pout le maintien et la sauvegarde de la langue kabyle,
Lounis Aït Menguellet effectue, au travers de ses chansons - dans
lesquelles le texte et la langue tiennent une place primordiale - un
véritable travail de mémoire pour sa langue maternelle. La défense de
sa langue est l'une de ses raisons de vivre : « La
chanson a toujours porté à bout de bras l’âme kabyle, l’essence
algérienne. Il y a plein de Kabyles qui ont appris leur langue grâce à
la chanson ».
Les mots du kabyle lui parlent et il continue à en découvrir : « La langue, c’est la mère, la terre ».
Chanteur
à textes, Lounis Aït Menguellet n’en a pas moins introduit une
recherche musicale plus élaborée dans ses chansons depuis que son fils
Djaâffar, musicien lui-même, fait partie de son orchestre, qui ne
dépasse pas quatre membres (deux percussionnistes, un guitariste et son
fils qui joue au synthétiseur et à la flûte).
À propos de la chanson kabyle,
Lounis Aït Menguellet considère qu'elle se porte plutôt bien, dans la
mesure où il y a toujours de jeunes artistes qui émergent. « Il y
a d’un côté, la chanson rythmée que demandent les jeunes, mais il y a
aussi le texte qui reste une chose fondamentale dans la chanson kabyle», souligne le poète pour qui la chanson engagée est avant tout une liberté d’expression.
De nombreux ouvrages et études ont été consacrés à son œuvre en tamazight, en arabe et en français.
Hommage de Kateb Yacine
Dans un texte à propos de la défense de la langue kabyle, le grand écrivain algérien Kateb Yacine, décédé en 1989, rend hommage à Lounis Aït Menguellet :« (…)
Et comme l'ignorance engendre le mépris, beaucoup d'Algériens qui se
croient Arabes - comme certains s'étaient crus Français - renient leurs
origines au point que le plus grand poète leur devient étranger : J'ai rêvé que j'étais dans mon pays... Au réveil, je me trouvais en exil... Nous, les enfants de l'Algérie... Aucun coup ne nous est épargné... Nos terres sont devenues prisons... On ferme sur nous les portes... Quand nous appelons... Ils disent, s'ils répondent,... Puisque nous sommes là, taisez-vous !... Incontestablement,
Ait Menguellet est aujourd'hui notre plus grand poète. Lorsqu'il
chante, que ce soit en Algérie ou dans l'émigration, c'est lui qui
rassemble le plus large public ; des foules frémissantes, des foules
qui font peur aux forces de répression, ce qui lui a valu les
provocations policières, les brimades, la prison. Il va droit au cœur,
il touche, il bouleverse, il fustige les indifférents :Dors, dors, on a le temps, tu n'as pas la parole. Quand un peuple se lève pour défendre sa langue, on peut vraiment parler de révolution culturelle » Kateb Yacine (Extrait de « Les ancêtres redoublent de férocité »).
Discographie
Lounis Aït Menguellet - Couverture de l'album « Ettes Ettes »
La discographie de Lounis Aït Menguellet comporte au total, plus de 200 chansons.
Paroles de la chanson « Ettes, Ettes » (Dors, Dors)
« Dors, dors, Apportez-moi un rameau.
D’où me le rapporterez-vous ?
De La Mecque.
Quiconque s’en éventera
Sombrera dans un sommeil, d’où il ne s’éveillera pas.
Dors, dors, il n’est pas temps encore
Ce n’est pas ton tour de parole,
Toi qui a perdu le sommeil
Plane vers Damas,
Doux ramier, je te prie,
Ramène le Talisman du sommeil,
Celui dont l’effet est irrépressible.
Si tu t’éveilles,
A sa seule vue tes yeux se referment.
Dors, dors, il n’est pas temps encore,
Ce n’est pas ton tour de parole,
Toi qui a perdu le sommeil.
Parcours
Le Caire de bout en bout,
Oiseau porte leur mon message.
Dis leur : les caisses d’opium
Que vous nous avez envoyées,
Nous les avons reçues.
Dis leur : bannissez toute inquiétude,
Ceux que vous craignez sont tous endormis.
Dors, dors, il n’est pas temps encore,
Ce n’est pas ton tour de parole.
Ils te bercent jusqu'à t’endormir,
Te couvrent,
Tout ce que tu désires existe
En rêve tout est facile
Refermes les yeux et rendors toi,
De peur que nous te réveillions.
Dors, dors, il n’est pas temps encore,
Ce n’est pas ton tour de parole.
Toi qui a perdu le sommeil,
Tu le retrouveras dans notre pays,
Toi qui as perdu le sommeil »
Lounis Aït Menguellet est un chanteur kabyle, né le 17 janvier 1950 à Ighil Bouammas (« le côteau du milieu »), petit village niché dans les chaînes montagneuses du Djurdjura, près de Tizi Ouzou en Grande Kabylie, (Algérie).
Lounis Aït Menguellet est certainement l'un des artistes les plus populaires et les plus attachants de la chanson kabyle contemporaine, un poète qui est devenu le symbole de la revendication identitaire berbère.
A propos des évènements qui ont secoué la Kabylie
ces dernières années, il dit que, égale à elle-même, la région est un
bastion de la contestation et qu’elle a toujours été à l’avant-garde
des luttes. « Je parle de la Kabylie à ma façon, afin d’apporter quelque chose pour que les choses évoluent », avant de s’empresser d'ajouter qu'il ne fait jamais de politique.
La
carrière de Lounis Aït Menguellet peut être scindée en deux parties
selon les thèmes traités : la première, plus sentimentale de ses
débuts, où les chansons sont plus courtes et la seconde, plus politique
et philosophique, caractérisée par des chansons plus longues et qui
demandent une interprétation et une lecture plus approfondie des
textes.
Ahkim ur nsaa ara ahkim (Pouvoir sans contre-pouvoir), Idul sanga anruh (Le chemin est long), Nekni swarach n ldzayer
(Nous, les enfants d’Algérie) : Aït Menguellet choisit délibérément
dans ses concerts récents de chanter ces poèmes, plus longs et plus
composés, comme une invitation lancée à son public à une réflexion et à
une découverte.
En présentant son nouvel album à la presse, le 16 janvier 2005, à la veille de sa sortie le jour de son cinquante-cinquième anniversaire, à la Maison de la Culture de Tizi Ouzou, Lounis a fait remarquer que « l’artiste
ne fait qu’attirer l’attention des gens sur leur vécu et interpeller
leur conscience. C’est déjà une mission et je ne me crois pas capable
d’apporter les solutions aux problèmes ».
Aigri par
la situation sociale et politique de son pays déchiré, Lounis puise de
moins en moins dans son répertoire de chansons sentimentales qui ont
caractérisé ses débuts.
Une enfance marquée par la guerre d'indépendance
Dernier
né d’une famille de six enfants - il a trois sœurs et deux frères -,
Lounis Aït Menguellet nait dans le village d'Ighil Bouammas, près de
Tizi Ouzou en Grande Kabylie le 17 janvier 1950,
un peu plus de quatre ans avant le déclenchement de l'insurrection qui
apportera, après huit années d'une guerre sans merci, l'indépendance à
son pays.
Il a vécu une enfance difficile, partagé entre sa région natale et Alger où il s'installera un temps chez ses frères Smail et Ahmed.
Ses parents exerçaient une activité de commerçants. « Ma famille avait pour tradition le commerce. On avait une sorte de ferme et des magasins dans l’Oranais, à Rahouia. Les hommes y allaient à tour de rôle pour faire marcher les commerces. Les femmes et les enfants restaient en Kabylie ».
Il aura à peine le temps de commencer ses études primaires à l'école de son village : « J’y suis allé pendant une année, avant que l’école ne soit détruite, brûlée par les Moudjahiddines ».
La suite ? « Elle
a été un peu compliquée. J’ai tenté de reprendre les études au village,
et j’ai fait quelques années encore avant l’indépendance. Puis, après 1962, je suis parti avec mes frères sur Alger
où j’ai repris le cursus primaire dans une école aux Champs de
Manœuvres, et de là, j’ai atterri au collège d’enseignement technique
dans lequel je suis resté trois ans ».
Au
cours de la dernière année, Lounis doit tout abandonner après la mort,
dans un accident de la circulation, de son grand frère, jeune
commissaire de police à Alger, qui l’avait à sa charge et s'occupait de lui depuis le départ du père à Oran.
Pendant ses études - il suit une formation d'ébéniste dans un collège technique - il s'éprend de littérature, grâce à un professeur particulièrement pédagogue, et commence à écrire des poèmes, qu'il chante dans la plus pure tradition orale de la poèsie berbère.
Obligé
de travailler pour vivre, Lounis trouve un emploi de secrétaire
subdivisionnaire au ministère des Travaux publics. Mais, parallèlement,
il commence à se lancer dans la chanson, sans penser encore à devenir
chanteur.
Les débuts dans la chanson
Ses débuts dans la chanson remontent, à l'année 1968. Il avait à peine dix-huit ans lorsqu'il crée avec quelques copains le groupe Imazighen. « On était des débutants, on a beaucoup bourlingué, fait des galas, des fêtes un peu partout en Kabylie. Je me rappelle bien de ce gala qu’on avait fait à la salle des fêtes de Tassaft. Elle était archicomble, et j’en garde un très bon souvenir. C’était notre premier gala réussi, ça nous a vraiment galvanisés ».
Des pères blancs avaient mis à leur disposition une pièce pour que le groupe puisse répéter. Et au 1er étage, Mouloud Mammeri dispensait des cours de langue amazighe ; Lounis apprendra l'alphabet tifinagh grâce à l'écrivain.
Un an plus tôt, en 1967, son cousin Ouahab l’avait pris presque de force pour l’emmener subir l’incontournable et très redouté passage à l’émission Nouva Ihafadhen de la Radio kabyle que Chérif Kheddam, une grande figure de la modernisation de la chanson kabyle, consacre à la découverte des « chanteurs de demain ». Il y chante sa première chanson, composée en 1966, à l'âge de seize ans, à la suite de sa première (et dernière, avouera-t-il plus tard) déception amoureusee, Ma trud ula d nek kter (Si tu pleures, moi je pleure encore plus).
Celui
qui avait l'habitude de chanter entre copains sous le clair de lune
d'Ighil Bouammas, son village natal, devient, en quelques mois, cette
idole qui bouleverse les cœurs. Sa carrière est lancée.
Ce cousin s'occupait du groupe, et jouait un peu le rôle de manager. « C’est
lui qui m’avait vraiment poussé à y aller. Dans le temps, il était au
groupe comme un manager, il nous débrouillait des galas, le transport.
Il était très actif avec nous jusqu’en 1970.
Puis, je suis rentré au village, les autres se sont dispersés, et le
groupe a fini par disparaître. Mine de rien l’expérience a quand même
duré près de trois ans ».
De
retour chez lui à Ighil Bouammas, Lounis est recruté comme secrétaire à
la Kasma de la région, et il se marie. Mais il doit quitter son
travail, après seulement quelques mois d’exercice, pour partir sous les
drapeaux. Sa première fille - il aura au total six enfants - vient au
monde alors qu’il accomplissait son instruction à Blida, avant d’aller faire ses dix-huit mois à Constantine. C’est également pendant cette période que Lounis prendra son véritable départ dans la chanson.
Toujours grâce à son cousin Ouahab, qui avait pris contact avec un éditeur, Yahia L’hadi (qui était aussi un célèbre chanteur arabe oranais), il enregistre en 1969 à Oran quatre chansons; dont la toute première, Ma trud ula d nek kter, pour ses deux premiers 45 tours, sortis en même temps.
Avec
l'aide d'un de ses amis, Kamel Hamadi, il surmonte les obstacles
imposés par la vie militaire pour continuer à enregistrer : « Kamel
m’avait, en fait, beaucoup aidé à foncer. Je venais en permission le
week-end, et il me réservait à l’avance le studio de Mahbou Bati à Alger
pour enregistrer. A l’époque, c’était des 45 tours. Je laissais alors
la bande à Kamel pour chercher un éditeur, s’en occuper, et moi je
reprenais le train pour Constantine le dimanche en soirée ».C’est ainsi qu’il ne se rendra compte du succès remporté par son second tube A Louiza, qui avec Ma selber assure définitivement sa popularité, que plusieurs mois plus tard. « Je n’en savais absolument rien. Moi j’étais loin, à Constantine enfermé dans une caserne… ».
Les années d'or
Aït
Menguellet était sans doute loin d’imaginer qu’il venait d’entamer une
longue carrière, et que, par la suite, cette période des débuts serait
qualifiée « d’années d’or », titre donné en 1987 à la réédition de ses premières chansons. À ce sujet, il précise avec modestie : « Ce
titre je n’ai jamais eu la prétention de le proposer. C’est l’éditeur
qui s’en est servi sans même m’aviser. Je n’aurais jamais osé. Je l’ai
découvert comme tout le monde sur les jaquettes des cassettes
rééditées. Alors s’il est mauvais je ne suis pas responsable, et si les
gens ont trouvé qu’il convient, je n’ai aucun mérite non plus ».
Dès
le départ, il se situe en rupture avec les orchestrations luxuriantes
(et souvent inutiles à son avis) de la musique « berbère » de cette
époque.
Son langage est à la fois poétique et revendicatif. Il
est devenu un symbole de la musique amazighe, à tel point qu'on l'a
souvent qualifié de Brassens kabyle.
Dans
les années soixante-dix, il s'installe quelque temps en France, où il
s'impose comme l'une des grandes figures de la chanson kabyle dans
l'émigration.
Il passe une première fois à l'Olympia en 1978, fait le plein au Zénith de Paris en 1985, et remplit toujours les stades de Tizi Ouzou, de Béjaïa et la salle Atlas à Alger.
À
partir de cette période, il commence à devenir le symbole de la
revendication identitaire berbère qu'il exprimera de façon éclatante
une décennie plus tard, lorsqu'il délaissera les chansons sentimentales
de ses débuts pour adopter un style plus philosophique, plus politique,
qui ira en s’affirmant avec des chansons fondatrices comme Agu (le Brouillard), Tibratin (Missives) et surtout Idaq wul (le Cœur oppressé).
Les
gens se reconnaissent dans le malaise social dépeint par Aït
Menguellet. Ses textes contiennent cette dose de subversion nécessaire
à la prise de conscience d’un peuple qui revendique son identité.
Lounis Aït Menguellet dérange. Le 25 octobre 1985,
il est condamné à trois ans de prison ferme pour « détention illégale
d’armes de chasse et de guerre ». Il est mis en isolement durant trois
mois. Malgré les aléas de la conjoncture et de l’ingratitude humaine,
il reste le plus populaire des chanteurs kabyles. Et surtout le plus
dense et le plus profond. Parce qu’il a su garder sans doute un parfait
équilibre entre l’inspiration et la technique et qu’il constitue un
moment fort de la chanson kabyle moderne et de la chanson algérienne contemporaine.
Le sage a dit
Après
près de quarante ans de carrière, plus de 200 chansons produites (il
affirme être incapable lui-même d'en donner le nombre exact) et une
notoriété bien établie, Lounis Aït Menguellet est toujours resté « ce
campagnard fier », « ce montagnard au fort caractère », essayant de
couler des jours paisibles dans son village d'Ighil Bouammas près de Tizi Ouzou. « La
vie au village n’est pas aussi ennuyeuse qu’on le pense. Le village où
l’on est né présente des attraits que d’autres personnes ne peuvent pas
voir. Le fait de me réveiller le matin et de voir la même montagne
depuis que je suis né m’apporte toujours quelque chose. »
Victime d'un lynchage en 2001, lié à la situation difficile que connait l'Algérie depuis le début des années 1990, il écrit deux ans plus tard Nedjayawen amkan (On vous a laissé la place), qui est censée être une chanson-réponse à cet évènement dont il refuse de parler.
En 2005, il sort un nouvel album Yennad Umghar (Le sage a dit),
et fait remarquer que la sagesse qu’il chante dans ses chansons est
puisée chez les petites gens qu’il côtoie. Le titre le plus long de
l'album - il dure 8' 22" - Assendu n waman (Les brasseurs de
vent) dénonce à la fois les manipulateurs d’opinion qui ont un rang
officiel, mais également, toutes les voix officieuses, partisanes,
généralement adeptes de la politique politicienne. Lounis constate que
les brasseurs de vent « viennent, promettent. Et reviennent, oublient. Et disent, c’est ainsi que se font les choses ».
Nul acteur politique n’est épargné, et c’est justement ce que certains
reprochent à Aït Menguellet : son manque d’engagement. Il rétorque
qu’il n’est pas chanteur engagé par vocation. Lui, il est humaniste,
rebelle, observateur et porte-voix des petites gens, des humbles, de
toutes ces voix écrasées par toutes sortes d’hégémonies, que l'on ne
laisse jamais s'exprimer.
Un poète à la voix envoûtante
Ni
philosophe, ni penseur, tout juste poète (« on me le dit si souvent que
je commence à y croire »), Lounis s'interdit, dans ses chansons, de
donner des leçons. « Je ne fais que de
l’observation. Elle peut être juste ou fausse. Mes mots ne sont pas des
vérités générales. Mais, quand je les dis, ça me fait du bien ».
Avec
des mots simples, il raconte la vie des gens simples qu'il cotoie, et
sait transmettre une émotion qui touche un public de plus en plus
nombreux, qui se presse à ses concerts. Et, avec modestie, il ajoute :
« Je suis un homme ordinaire, plus ordinaire que les ordinaires ».
La
voix envoûtante et profonde de Lounis Aït Menguellet porte un chant qui
vient du fond des âges ; c'est celle des troubadours du Moyen Âge,
celle des musiciens traditionnels de tous les peuples qui ont su
préserver leur âme. Par sa seule magie, cette voix chaude transporte
ceux qui l'écoutent au cœur de la Kabylie.
Troubadour, chanteur-compositeur, Aït Menguellet perpétue cette
tradition orale des montagnes kabyles qu'a si bien mise en évidence
avant lui le grand poète Si Mohand, décédé en 1906, et qu'a chantée Marguerite Taos Amrouche, sœur du poète Jean Amrouche, décédée en exil, en Tunisie.
Le chantre de la chanson kabyle
Lounis Aït Menguellet part sans cesse à la source pour puiser « une prose littéraire orale, cette prose amazigh traditionnelle dans ses différentes formes d’expression autour desquelles a évolué la mémoire collective de la société », fait remarquer Mohammed Djellaoui, auteur d'un essai sur la poésie d'Aït Menguellet, et il ajoute que le poète « met la légende et la vertu au service d’une cause ». Cette cause, c'est celle de la culture berbère.
Longtemps marginalisée, réduite à un genre mineur, la chanson kabyle, grâce à Lounis Aït Menguellet, a renoué avec le fonds traditionnel berbère qu'a chanté avant lui Slimane Azem, interdit d'antenne dans son pays durant plus de vingt-cinq ans.
L'auteur de « Asefru »
a su créer des formes et des structures propres à sa poésie en jouant
sur l’ambiguïté de sens des mots qu'il utilise, permettant une
interprétation pluridimensionnelle de la part de ses auditeurs.
En avril 1980, lorsque le wali de Tizi Ouzou décida d'interdire une conférence de l'anthropologue Mouloud Mammeri sur « La poésie ancienne des Kabyles », la population de la ville, puis des régions avoisinantes, sans parler d'Alger, où les Kabyles
sont très nombreux, se souleva, à l'appel des étudiants, pour défendre,
à travers les poètes anciens, la langue des ancêtres. L'un de ses
défenseurs les plus ardents fut Aït Menguellet :« Reconnais ce qui est tien... Prends garde de ne jamais l'oublier!... Langue kabyle... Celui qui t'aime... Te sacrifie sa vie ... Il te vénère Et pour toi garde la tête haute... C'est grâce à tes fils... Que l'Algérie est debout. »
« Pourquoi cette véhémence ? » se demande l'écrivain Kateb Yacine dans la préface qu'il écrivit en 1989 pour le livre de Tassadit Yacine « Aït Menguellet chante », et il répond : « C'est que tamazight, notre langue nationale, depuis des millénaires, est à peine tolérée, pour ne pas dire proscrite, dans l'Algérie indépendante ! ».
La puissance des chansons de Lounis réside dans la qualité de ses textes, la force du verbe : « La
paix demande la parole : je suis contrainte de t'abandonner, pays pour
qui j'ai l'âme en peine / Ils m'aiment en me comparant à une perdrix /
Belle quand je leur sers de festin… », dit l'un de ses textes.
Ou cet autre, qui clame : « Nous
avons chanté les étoiles, elles sont hors de notre portée / Nous avons
chanté la liberté, elle s'avère aussi loin que les étoiles ».
Conscient du rôle essentiel joué par la chanson pout le maintien et la sauvegarde de la langue kabyle,
Lounis Aït Menguellet effectue, au travers de ses chansons - dans
lesquelles le texte et la langue tiennent une place primordiale - un
véritable travail de mémoire pour sa langue maternelle. La défense de
sa langue est l'une de ses raisons de vivre : « La
chanson a toujours porté à bout de bras l’âme kabyle, l’essence
algérienne. Il y a plein de Kabyles qui ont appris leur langue grâce à
la chanson ».
Les mots du kabyle lui parlent et il continue à en découvrir : « La langue, c’est la mère, la terre ».
Chanteur
à textes, Lounis Aït Menguellet n’en a pas moins introduit une
recherche musicale plus élaborée dans ses chansons depuis que son fils
Djaâffar, musicien lui-même, fait partie de son orchestre, qui ne
dépasse pas quatre membres (deux percussionnistes, un guitariste et son
fils qui joue au synthétiseur et à la flûte).
À propos de la chanson kabyle,
Lounis Aït Menguellet considère qu'elle se porte plutôt bien, dans la
mesure où il y a toujours de jeunes artistes qui émergent. « Il y
a d’un côté, la chanson rythmée que demandent les jeunes, mais il y a
aussi le texte qui reste une chose fondamentale dans la chanson kabyle», souligne le poète pour qui la chanson engagée est avant tout une liberté d’expression.
De nombreux ouvrages et études ont été consacrés à son œuvre en tamazight, en arabe et en français.
Hommage de Kateb Yacine
Dans un texte à propos de la défense de la langue kabyle, le grand écrivain algérien Kateb Yacine, décédé en 1989, rend hommage à Lounis Aït Menguellet :« (…)
Et comme l'ignorance engendre le mépris, beaucoup d'Algériens qui se
croient Arabes - comme certains s'étaient crus Français - renient leurs
origines au point que le plus grand poète leur devient étranger : J'ai rêvé que j'étais dans mon pays... Au réveil, je me trouvais en exil... Nous, les enfants de l'Algérie... Aucun coup ne nous est épargné... Nos terres sont devenues prisons... On ferme sur nous les portes... Quand nous appelons... Ils disent, s'ils répondent,... Puisque nous sommes là, taisez-vous !... Incontestablement,
Ait Menguellet est aujourd'hui notre plus grand poète. Lorsqu'il
chante, que ce soit en Algérie ou dans l'émigration, c'est lui qui
rassemble le plus large public ; des foules frémissantes, des foules
qui font peur aux forces de répression, ce qui lui a valu les
provocations policières, les brimades, la prison. Il va droit au cœur,
il touche, il bouleverse, il fustige les indifférents :Dors, dors, on a le temps, tu n'as pas la parole. Quand un peuple se lève pour défendre sa langue, on peut vraiment parler de révolution culturelle » Kateb Yacine (Extrait de « Les ancêtres redoublent de férocité »).
Discographie
Lounis Aït Menguellet - Couverture de l'album « Ettes Ettes »
La discographie de Lounis Aït Menguellet comporte au total, plus de 200 chansons.
- 1967-1975 : Période des 45 Tours, environ 70 titres.
- 1976 : Anidha thedjam ammi (Luzine akham)
- 1978 : Aaathar
- 1979 : Ayagou
- 1981 : Amdjahed (Ali d Ouali)
- 1982 : Amachahu
- 1983 : Almusiw
- 1983 : Ammi
- 1984 : Akbaili
- 1984 : Arrac lezzayer
- 1986 : Asefru
- 1987 : « Les années d'or » 48 titres, reprises en 6 volumes. des 45 tours
- 1988 : Achimi
- 1990 : Avrid n temzi
- 1992 : Akw nikhdaa Rebbi
- 1993 : Awal
- 1995 : Iminig egguid
- Janvier 1997 : Siwliyid thamac
- 1997 : Ettes Ettes
- Décembre 1998 : Amjahed
- Juillet 1999 : Inagan
- Janvier 2000 : Askouti
- Janvier 2001 : Inasen
- Janvier 2005 : Yennad Umghar
Paroles de la chanson « Ettes, Ettes » (Dors, Dors)
« Dors, dors, Apportez-moi un rameau.
D’où me le rapporterez-vous ?
De La Mecque.
Quiconque s’en éventera
Sombrera dans un sommeil, d’où il ne s’éveillera pas.
Dors, dors, il n’est pas temps encore
Ce n’est pas ton tour de parole,
Toi qui a perdu le sommeil
Plane vers Damas,
Doux ramier, je te prie,
Ramène le Talisman du sommeil,
Celui dont l’effet est irrépressible.
Si tu t’éveilles,
A sa seule vue tes yeux se referment.
Dors, dors, il n’est pas temps encore,
Ce n’est pas ton tour de parole,
Toi qui a perdu le sommeil.
Parcours
Le Caire de bout en bout,
Oiseau porte leur mon message.
Dis leur : les caisses d’opium
Que vous nous avez envoyées,
Nous les avons reçues.
Dis leur : bannissez toute inquiétude,
Ceux que vous craignez sont tous endormis.
Dors, dors, il n’est pas temps encore,
Ce n’est pas ton tour de parole.
Ils te bercent jusqu'à t’endormir,
Te couvrent,
Tout ce que tu désires existe
En rêve tout est facile
Refermes les yeux et rendors toi,
De peur que nous te réveillions.
Dors, dors, il n’est pas temps encore,
Ce n’est pas ton tour de parole.
Toi qui a perdu le sommeil,
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